jeudi, 24 janvier 2013 00:00

Et quelques fleurs au hasard

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Et quelques fleurs au hasard

Longfellow, Sullly Prudhomme, Kierkegaard, Pierre de  Marbeuf, W.E. Henley,  Marcelline  Desbordes-Vallemore....

L'Epave

de H.W. Longfellow

Cité par Edgar Poe "Du principe poétique " 

Le jour est parti, et les ténèbres

Tombent des ailes de la Nuit,

Comme une plume tombe emportée

De l'aile d'un aigle dans son vol.

J'aperçois les lumières du village

Luire à travers la pluie et la brume,

Et un sentiment de tristesse m'envahit,

Auquel mon âme ne peut résister ;

Un sentiment de tristesse et d'angoisse

Qui n'a rien de la douleur,

Et qui ne ressemble au chagrin

Que comme le brouillard ressemble à la pluie.

Viens, lis-moi quelque poème,

Quelque simple lai, dicté par le coeur,

Qui calmera cette émotion sans repos,

Et bannira les pensées du jour.

[......]

Le vase Briségreuze : la cruche  cassee

Le vase où meurt cette vervaine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut l'effleurer à peine,
Aucun bruit ne l'a révélé.

Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute,
N'y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu'on aime
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;

Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde :
Il est brisé, n'y touchez pas.

Sully Prudhomme

Greuze la cruche cassée détail

Jean Baptiste Greuze

La cruche cassée (détail)

___

Lettres de fiancailles

De Soren Kierkegaard

(A Régine Olsen le28 octobre 1840).

Ma régine

... Et l'hiver vint et les fleurs se flétrirent. Mais il en sauva pourtant quelques unes du froid. Et se tenant devant la fenêtre, plein d'un impatient désir il les présenta. Mais la vie en elles était trop faible; et pour tenter de la préserver , il les pressa dans sa main , et elles moururent. Mais une goutte demeura qui , née dans la douleur a une immortalité que seuls possèdent le parfum des fleurs et les vieilles mélodies.
Porte ma lettre par le long chemin
Esprit de l'anneau
Un moyen plus rapide, tu n'en trouveras pas.
A toi pour toujours
S.K.

 

Invictus (invincible)

de William Ernest HENLEY
(1849-1903)

Dans la nuit qui m'environne,

Dans les ténèbres qui m'enserrent,

Je loue les dieux qui me donnent

Une âme à la fois noble et fière.

Prisonnier de ma situation,

Je ne veux pas me rebeller,

Meurtri par les tribulations,

Je suis debout, bien que blessé.

En ce lieu d'opprobre et de pleurs,

je ne vois qu'horreur et ombres

les années s'annoncent sombres

mais je ne connaîtrai pas la peur.

Aussi étroit que soit le chemin,

Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme:

Je suis maître de mon destin;

Et capitaine de mon âme.

 

La mer  et  l'amour 

Pierre de Marbeuf(1596-1645 )

Et la mer et l'amour ont l'amour pour partage,

Et la mer est amère, et l'amour est amer,

L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,

Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.

Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,

Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,

Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,

Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

La mère de l'amour eut l'amour pour berceau,

Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,

Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,

Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,

Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes

"les séparés"
Marceline Desbordes-Valmore
née à Douai le 20 juin 1786-décédée le 23 juillet 1859.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marceline_Desbordes-Valmore

N'écris pas! Je suis triste et je voudrais m'éteindre
Les beaux été, sans toi c'est l'amour sans flambeau
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre.
Et frapper à mon coeur c'est frapper au tombeau.

N'écris pas ! n'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu, qu'à toi si je t'aimais
Au fond de ton silence écouter que tu m'aimes
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.

N'écris pas !Je te crains. J'ai peur de ma mémoire:
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant

N'écris pas ces deux mots que je n'ose plus lire
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur
Que je les vois brûler à travers ton sourire
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.

http://www.youtube.com/watch?v=LJLOJxN4mPU&feature=related (poème chanté par Julien Clerc)

Un bijou recueilli chez un poète symboliste américain :

Nocturne

A JORIS-KARL HUYSMANS

La blême lune allume en la mare qui luit
Miroir des gloires d'or, un émoi d'incendie.
Tout dort. Seul, à mi-mort, un rossignol de nuit
Module en mal d'amour sa molle mélodie.
Plus ne vibrent les vents en le mystère vert
Des ramures. La lune a tu leurs voix nocturnes :
Mais à travers le deuil du feuillage entr'ouvert,
Pleuvent les bleus baisers des astres taciturnes.
La vieille volupté de rêver à la mort
A l'entour de la mare endort l'âme des choses.
A peine la forêt parfois fait-elle effort
Sous le frisson furtif d'autres métamorphoses.
Chaque feuille s'efface en des brouillards subtils.
Du zénith de l'azur ruisselle la rosée
Dont le cristal s'incruste en perles aux pistils
Des nénuphars flottant sur l'eau fleurdelisée.
Rien n'émane du noir, ni vol, ni vent, ni voix,
Sauf lorsqu'au loin des bois, par soudaines saccades,
Un ruisseau roucouleur croule sur les gravois :
L'écho s'émeut alors de l'éclat des cascades.

(Stuart Merrill )

Lu 5667 fois Dernière modification le mercredi, 17 décembre 2014 00:19
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