Naissance à Loches en Touraine , en 1797, dans une famille de l'aristocratie militaire ; sa mère qui avait lu Rousseau lui inculque le goût de la musique et de la peinture plutôt que celui des Belles-lettres en même temps que les principes d'une morale rigoureuse, et la conviction d'appartenir à l' élite de l'Ancien régime.

Celle-ci est alors condamnée à la décadence par la corruption morale de la grande noblesse et supplantée par la nouvelle bourgeoisie de l'argent; ce dont prend conscience très tôt le jeune Alfred de Vigny.

Il est également confronté aux deux idées fortes qui marquent son époque : l'aboutissement du rationalisme dans la philosophie française avec la remise en cause des idéaux religieux et les bouleversements  économiques et sociaux qui accompagnent  les découvertes  scientifiques, et l'industrialisation , infléchissant les  valeurs vers un idéal de  progrès  matériel.

Son éducation le désignait aux métiers militaires et il en conçut un amour de la gloire des armes. Mais une vie de caserne, loin des champs de bataille, déçut le jeune officier; il démissionna en 1827 pour entamer une carrière littéraire où il obtint un succès immédiat.

Après d'autres Poèmes mineurs parus en 1822, les Poèmes antiques et modernes, sont publiés en 1826. Les critiques y décèlent la grâce de Chénier mais déjà une fermeté originale et une profondeur d'une facture très romantique.

Bientôt il entreprend également une carrière de romancier et de dramaturge .

Un premier roman Cinq-Mars est un roman pseudo- historique (beaucoup de libertés prises avec les faits) comportant un plaidoyer contre la peine de mort et d'une manière plus générale contre les formes barbares de la justice criminelle.

Bien que soutenu à la fois par Hugo, Lamartine et dans un premier temps par Sainte Beuve, il ne participe pas à la vie du Cénacle romantique dont il se tient volontairement à l'écart.

En 1826 , il épouse une anglaise Lydia Benbury.

Il semble que pendant cette période , « Vigny, fut un écrivain et un homme heureux» (Paul Viallaneix).

A partir de 1830, Les événements (Révolution de Juillet) ébranlent ses convictions politiques. Après des hésitations , il se rallie au nouveau régime de monarchie bourgeoise regroupée derrière le Duc d'Orléans-Louis Philippe(le roi citoyen). Le doute s'installe vis à vis des systèmes monarchistes soutenus par une bourgeoisie d'argent qu'il méprise. Il tente de se rapprocher des Saint-Simoniens puis des chrétiens de Lamenais qui ne le satisferont pas davantage.

Au pessimisme politique (en 1848 il se laissera séduire par le mouvement révolutionnaire mais en Décembre 1852 il se ralliera à l'Empire ), s'ajoute ses doutes religieux avec son refus de croyance en la divinité de Jésus et ses interrogations de plus en plus pressantes vis à vis de la religion : « Et Dieu ? Tel est le siècle, ils n'y pensèrent pas ! » (Les amants de Montmorency)

De  1831 à  1838 il entretient  une  liaison  avec  l'actrice Marie  Dorval, amie de george  Sand. Elle  rompt  pour  le  romancier  plus jeune Jules  Sandeau.  Cette liaison malheureuse renforce encore son scepticisme vis à vis de ses semblables et de l'amour humain.

On trouve dans ses œuvres de cette époque le témoignage de cet engagement dans ce profond scepticisme; ainsi du poète qui se trouve isolé comme victime d'ostracisme ou d'une malédiction qui pèserait sur les âmes pures , négligées par la société et les grands qui la représentent et détiennent le pouvoir .

On  en trouve  des exemples dans Stello où   :

- La légèreté de Louis XV, condamne Gilbert à mourir de faim

- Le fanatisme de Robespierre, mène Chénier à l'échafaud

- L'égoïsme de Beckford , Lord maire de Londres, provoque le suicide de Chatterton

Manquement à la parole donnée , trahison par légèreté ou par intérêt , indifférence . C'est aussi l'honneur qui est bafoué, et le poète, déjà esprit pur, est toujours désigné comme victime expiatoire des fautes des hommes ordinaires quel que soit leur statut social. Ce constat lui suggère d'observer vis à vis de la société une neutralité armée .

Dans « Servitude et grandeur militaire » (1835), Il exprime dans plusiuers nouvelles son pessimisme militaire  mais aussi l'exaltation de l'honneur en tant que qualité toute humaine, sans récompense céleste après la mort qui est la vertu de la vie. De sa conception de la parole d'honneur il aspire à restaurer le sacré du langage.

- La canne de  jonc où apparait le  Capitaine Renaud, martyr de la non-violence 
- Laurette  où  le cachet rouge, émouvante histoire qui illustre  la  puissance du  devoir  conduisant  à l'abnégation : "L'abnégation du guerrier est une  croix  plus  lourde que celle du  martyr. Il faut  l'avoir  portée longtemps pour en savoir la grandeur et le  poids ."

Si sa carrière de dramaturge et de romancier continue de donner une impression de réussite, Alfred de Vigny ne cesse de voir son scepticisme progresser dans ses relations au monde, relations amicales et amoureuses, relations politiques mais surtout dans son art poétique pour lequel il a conçu un idéal très personnel, rigoureux, s'opposant, dans la forme, à la grandiloquence facile Il poursuit  une quête de la beauté pure,  support à une éthique profondément humaine au delà d'une apparente austérité, qu'on qualifiera parfois de froideur orgueilleuse , maisplutôt parfait exemple d'atticisme. 

A la fin de sa vie, Il aspire à une retraite qui lui permettrait de réaliser cet idéal et s'enferme dans sa « tour d'ivoire » selon l'expression malveillante de Sainte-Beuve.

Des accès de sociabilité l'en font parfois sortir : engagement pour une cause comme celle du droit des écrivains à disposer de leur œuvre , candidature à l'Académie Française (succès après 5 échecs).

Les poèmes de cette période d'exil volontaire, comme son Journal révèlent qu'il ne s'agissait ni d'une défaillance de l'artiste ni d'une démission de l'homme. Ils traduisent l'évolution du solitaire depuis sa dernière prière au dieu de la bible devant la dépouille d'une mère vénérée :

-La sauvage

-La mort du loup.

- La flûte

- Le Mont des Oliviers

- La Maison du berger

- La bouteille à la mer

Il atteint par certaines de ces œuvres l'idéal qu'il s'était fixé en érigeant en symboles des images dont le sens profond imprègne notre culture (la mort du loup, la bouteille à la mer , la maison du berger) .

Il meurt en loup solitaire le 17 septembre 1863.

(Sources : Paul Viallaneix / Universalis, Chatterton par Claire fontaine, Stello, Daphné par F. Germain , préface  aux  Oeuvres  poétiques de  Jacques-Philippe Saint-Gérand )

également  Alfred  de   Vigny sur  Wikiwand

 Vigny, qui aimait  particulièrement  la musique et  la  peinture  , fut  l'élève  et  l'ami du  peintre  Girodet . et l'atmosphère de ce tableau ,  Atala au  tombeau , héroïne  de   Chateaubriand,  me  semble  bien  unir  les  poètes  et  le  peintre .

Atala  au  tombeau (1808)  du  peintre  Anne-Louis Girodet (1767-1824