C'était le terme d'une longue bataille pour atteindre un idéal absolu qui tragiquement lui échappa toute sa vie .
Pour cet homme épris de vérité et d'authenticité , l'incapacité de conformer sa vie à ses aspirations pour une existence d'ascétisme et d'équité sociale fut pour lui un enfer permanent .
Déchiré entre son profond amour pour une femme attachée à ses biens et son désir de renoncer aux privilèges que lui donnait une naissance aristocratique , il dut supporter de vivre dans des conditions qu'il réprouvait dans la mesure où cette existence le séparait du peuple russe dont il vénérait la simplicité et chez qui il retrouvait son idéal christique. Tatiana Tolstoï, sa fille aînée qui l'accompagna jusqu'à la fin, s'applique à nous montrer que le grand homme ne fut pas le seul à souffrir.
A tort ou à raison, sa femme ne put jamais embrasser son idéal et cependant ne cessa jamais de l'aimer.
La vie du couple partagée entre Moscou et les terres d'Iasnaïa Poliana fut constamment ébranlée par les échecs de tentatives de ruptures et de séparations qui auraient libéré l'écrivain-penseur .
Il n'est pas crédible de reprocher à Tolstoï de n'avoir pas été, en pratique, jusqu'au bout de ses idées ; on sait qu'il le fit pour lui même , partageant le plus souvent la vie de ses anciens serfs qu'il avait émancipés , distribuant la plus grande partie des biens dont il pouvait librement disposer . Mais c'est vraisemblablement par amour qu'il ne put rompre les liens avec sa famille et par là avec certaines apparences contraires à son idéal.
En automne de l'année 1910 il se résout enfin à tout quitter, à fuir ce qui l'empêche de vivre en harmonie avec sa vérité mais la mort ne lui permit pas d'en jouir.