Ovide ici nous raconte l'histoire de Pygmalion, ce sculpteur grec qui détestait la gente féminine et dont se vengea Vénus en le faisant tomber amoureux de sa création . Naissait ainsi le mythe de l’idéal artistique et de la relation entre l'artiste et sa création....
Voici selon Ovide la naissance de Galatée
"[...]Toutefois les impures Propétides osent refuser leur encens à Vénus. Mais en butte au courroux de la déesse, les premières elles trafiquèrent, dit-on, de leurs corps et de leurs baisers. Femmes sans pudeur, leur front s'est endurci à la honte ; pierres, elles n'ont fait que changer d'endurcissement.
Témoin de leurs fureurs criminelles, et révolté des vices sans nombre qui dégradent le cœur des femmes, Pygmalion vivait libre, sans épouse, et longtemps sa couche demeura solitaire. Cependant son heureux ciseau, aiguisé par un art merveilleux, donne à l'ivoire éblouissant une forme que jamais femme ne reçut de la nature, et l'artiste s'éprend de son œuvre. Ce sont les traits d'une vierge, d'une mortelle ; elle respire, et, sans la pudeur qui la retient, on la verrait se mouvoir ; tant l'art disparaît sous ses prestiges mêmes. Ébloui, le cœur brûlant d'amour, Pygmalion s'enivre d'une flamme chimérique. Plus d'une fois il avance la main vers son idole ; il la touche. Est-ce un corps, est-ce un ivoire ? Un ivoire ! non, il ne veut pas en convenir. Il croit lui rendre baisers pour baisers ; tour à tour il lui parle il l'étreint ; il s'imagine que la chair cède à la pression de ses doigts ; il tremble qu'ils ne laissent leur empreinte sur les membres de la statue. Tantôt il la comble de caresses, tantôt il lui prodigue les dons chers aux jeunes filles, coquillages, pierres brillantes, petits oiseaux, fleurs de mille couleurs, lis, balles nuancées, larmes tombées du tronc des Héliades. Ce n'est pas tout, il la revêt de tissus précieux ; à ses doigts étincellent des diamants ; à son cou, de superbes colliers ; à ses oreilles, de légers anneaux ; sur sa gorge, des chaînes d'or qui pendent : tout lui sied, et nue, elle semble encore plus belle. Il la couche sur des carreaux que teint la pourpre de Sidon ; il l'appelle la compagne de son lit ; il la contemple étendue sur le duvet moelleux : il croit qu'elle y est sensible.
C'était la fête de Vénus. Cypre tout entière célébrait cette fameuse journée. L'or éclate sur les cornes recourbées des génisses au flanc de neige qui, de toutes parts, tombent sous le couteau ; l'encens fume : Pygmalion dépose son offrande sur l'autel, et debout, d'une voix timide : « Grands dieux, si tout vous est possible, donnez-moi une épouse... (il n'ose pas nommer la vierge d'ivoire) semblable à ma vierge d'ivoire ».
Vénus l'entend ; la blonde Vénus, qui préside elle-même à ses fêtes, comprend les vœux qu'il a formés ; et, présage heureux de sa protection divine, trois fois la flamme s'allume, trois fois un jet rapide s'élance dans les airs. Il revient, il vole à l'objet de sa flamme imaginaire, il se penche sur le lit, il couvre la statue de baisers. Dieux ! ses lèvres sont tièdes ; il approche de nouveau la bouche. D'une main tremblante il interroge le cœur : l'ivoire ému s'attendrit, il a quitté sa dureté première ; il fléchit sous les doigts, il cède. Telle la cire de l'Hymette s'amollit aux feux du jour, et, façonnée par le pouce de l'ouvrier, prend mille formes, se prête à mille usages divers. Pygmalion s'étonne ; il jouit timidement de son bonheur, il craint de se tromper ; sa main presse et presse encore celle qui réalise ses vœux. Elle existe. La veine s'enfle et repousse le doigt qui la cherche ; alors, seulement alors, l'artiste de Paphos, dans l'effusion de sa reconnaissance, répand tout son cœur aux pieds de Vénus. Enfin ce n'est plus sur une froide bouche que sa bouche s'imprime. La vierge sent les baisers qu'il lui donne ; elle les sent, car elle a rougi ; ses yeux timides s'ouvrent à la lumière, et d'abord elle voit le ciel et son amant. Cet hymen est l'ouvrage de la déesse ; elle y préside. Quand neuf fois la lune eut rapproché ses croissants et rempli son disque lumineux, Paphos vint à la lumière, et l'île hérita de son nom.
Tu naquis du même sang, ô malheureux Cinyre, toi que l'on eût compté entre les plus fortunés mortels, si tu n'avais pas été père. [...]"
Mais là commence une autre histoire : celle de Cinyre père de Myrrha et d' Adonis...
Pygmalion et Galatée, sculpture de Falconet sous la plume de Diderot
La compagne de Pygmalion n'a pas encore de nom :
En 1740 un auteur, Thémiseul de Saint Hyacinthe la prénomma Galatée (non précisé par Ovide ).
Et J.J. Rousseau retint ce prénom pour son Pygmalion . publié en 1771.
Présentée par Falconet (1)au Salon de 1763 , Diderot en fit un précieux éloge qui est resté comme un morceau d'anthologie :
"O la chose précieuse que ce petit groupe de Falconet ! Voilà le morceau que j'aurais dans mon cabinet si je me piquais d'avoir un cabinet..
Le groupe précieux dont je veux vous parler, il est assez inutile de vous dire que c'est le Pigmalion au pied de la statue qui s'anime... La nature et les grâces ont disposé de l'attitude de la statue. Ses bras tombent mollement à ses côtés. Ses yeux viennent de s'entrouvrir. Sa tête est un peu inclinée vers la terre, ou plutôt vers Pigmalion qui est à ses pieds. La vie se décèle en elle par un souris léger qui effleure sa lèvre supérieure. Quelle innocence elle a ! Elle en est à sa première pensée .. Son cœur commence à s'émouvoir ; mais il ne tardera pas à lui palpiter. Quelles mains, quelle mollesse de chair ! Non ce n'est pas du marbre Appuyez-y votre doigt et la matière qui a perdu sa dureté, cèdera à votre impression. ......combien de vérités sur ces côtes ! Quels pieds ! Qu'ils sont doux et délicats ! Un petit Amour a saisi une des mains de la statue, qu'il ne baise pas, qu'il dévore .Quelle vivacité , quelle ardeur . Combien de malice dans la tête de cet Amour ... Un genoux en terre, l'autre levé, les mains serrées fortement l'une dans l'autre, Pigmalion est devant son ouvrage et le regarde. Il cherche dans les yeux de la statue la confirmation du prodige que les dieux lui ont promis . O le beau visage que le sien ! O Falconet comment as-tu fait pour mettre dans un morceau de pierre blanche la surprise la joie et l'amour fondus ensemble. Emule des dieux , s'ils ont animé ta statue, tu en a renouvelé le miracle en animant le statuaire ....
Le faire du groupe est admirable. C'est une matière une , dont les statuaire a tiré trois sortes de chairs différentes . Celles de la statue ne sont point celles de l'enfant, ni celles-ci les chairs du Pigmalion..."
1) Etienne Maurice Falconet sculpteur, 1716-1791
Pour admirer la statue en détail : marbre au Musée du Louvre : sur Insecula