vendredi, 20 mai 2016 19:11

Booz endormi

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Bazille Ruth et Booz wikipémedia commonsia

Booz  et   Ruth  par  Bazille

(wikimédia  commons)

 

Booz  endormi

 

Booz s'était couché de fatigue accablé;
Il avait  tout le  jour  travaillé  dans  son aire;
Puis avait   fait  son lit   à  sa  place  ordinaire;
Booz  dormait aauprès des boisseaux pleins de  blé.

Ce  vieillard  possédait  des champs de  blé  et  d'orge;
Il était  , quoique  riche, à la justice  enclin;
Il  n'avait pas de  fange  en  l'eau  de son  moulin;
Il  n'avait   pas  d'enfer  dans  le  feu   de  sa forge.

Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
« Laissez tomber exprès, des épis » disait-il.

Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques
Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques

Booz était   bon  maître  et  fidèle parent;
Il était   généreux,  quoiqu'i fut  économe;
Les femmes regardaient   Booz  plus qu'un  jeune  homme,
Car le  jeune  homme  est  beau  ,  mais le  vieillard  est  grand.

Le vieillard qui revient  vers  la source   première,
Entre aux  jours  éternels et  sort  des jours changeants;
Et  l'on  voit  de  la flamme  aux yeux des jeunes gens,
Mais dans  l'oeil  du  vieillard  on voit  de  la  lumière.

 

Donc,  Booz  dans la  nuit   dormait   parmi  les   siens.,
Près des  meules qu'on  eut   prises pour des  décombres 
Les moissonneurs couchés  faisaient  des groupes sombres ;
Et ceci  se passait dans des  temps très anciens.


Les tribus d' Israël  avait  pour  chef  un  juge;
La terre  où  l'homme  errait sous  la tente,   inquiet
Des empreintes de  pieds de  géants  qu'il  voyait,
Etait  mouillée  encor et  molle  de  déluige.  

Come dormait  Jacob,  comme  dormait  Judith,
Booz, les yeux fermés  dormait  sous  la feuillée;
Or,  la porte  du  ciel  s'étant  entre-bâillée
Au-dessus de sa tête  un songe en  descendit.

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui sorti de son ventre allait jusqu'au ciel bleu ;
Une race y montait comme une longue chaîne ;
Un roi chantait en bas , en haut mourait un Dieu.

Et   Booz  murmurait  avec la  vox de  l'âme :
"Comment  se   pourriat-il  que  de  moi ceci  vînt?
Le chiffre de mes  ans  a  passé quatre-vingt,
Et  je n'ai  pas de  fils , et  je n'ai  plus de  femmes.

Voilà  longtemps quiue  celle  avec  qui   j'ai  dormi,
O Seigneur ! a quitté  ma couche pour la  vôtre:
Et  nous sommes encor  tout  mêlés  l'un  à  l'autre,
Elle  à  demi vivante , et  moi  mort   à  demi.

Une race  naîtrait  de   moi ! Comment  le croire ?
Comment se pourrait-il  que  j'eusse  des enfants?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants ;
Le jour sort de la nuit comme d'une victoire ;

Mais vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau ;
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe Ô mon Dieu ! mon âme vers la tombe,
Comme un bœuf ayant soif penche son front vers l'eau. »

Ainsi  parlait   Booz dans le  rêve  et  l'extase,
Tournant   vers   Dieu   ses yeux par  le  sommeil  noyés;
Le cèdre ne  sent pas  une  rose  à  sa base,
Et lui ne sentait pas  une  femme   à  ses  pieds.

 

Pendant qu'il  sommeillait,  Ruth  ,  une   moabite,
S'était  couchée  aux  pieds  de   booz  ,  le  sein  nu,
Espérant on  ne sait quel  rayon  inconnu,
Quand viendrait  du  réveil  la lumière  subite.

Booz ne savait pas qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

La respiration de   Booz  qui dormait
Se  mêlait  au bruit  sourd des ruisseaux sur la  mousse,
On était  dans le mois  où  la nature  est  douce,
Les collines ayant des  lys  ur  leur  sommet.

Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident et Ruth se demandait,

Immobile, ouvrant l'œil à moitié sous ses voiles,
Quel Dieu , quel moissonneur de l'éternel été,
Avait en s'en allant, négligemment jeté,
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.

(La  légende  des  siècles )

Les femmes de la Bible

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