- Les malades
- Décors liminaires
- Les complaintes
- Humanité
- Les armes du soir
- Sous les porches*
- Lassitude*
- Attirances
- Tourment
- Illusion
- Ressouvenir
- Le gel
- insatiablement
- Les chaumes
- Fleur fatale*
- Londres
- Le moulin
- Les rues
- Les voyageurs
- L’idole
- Les arbres*
- Les vieux chênes
- Le cri
- Infiniment
- Mourir
- A ténèbres
Sous les porches
L’ombre s’affermissait sur les plaines captives,
Et, de ses murs, barrait les horizons d‘hiver,
Comme en un tombeau noir, de vieux astres de fer
Brûlaient, touant le ciel de leurs flammes votives.
On se sentait serré dans un monde d’airain,
Où quelque part, au loin, se dresseraient des pierres
Effrayantes et qui seraient les idoles guerrières
D’un peuple encor enfant, terrible et souterrain.
Un air glacé mordait les tours et les demeures,
Et le silence entier serrait comme un effroi,
Et nul cri voyageur, au loin. Seul un beffroi,
Immensément vêtu de nuit, cassait les heures.
On entendait les lourds et tragiques marteaux
Heurter, comme des blocs, les bourdons taciturnes ;
Et les coups s’abattaient, les douze coups nocturnes,
Avec l’éternité sur les cerveaux.
Lassitude
La terre immensément s’efface au fond des brumes
Et lentement aussi les frênes lumineux
D’automne et lentement et longuement les noeuds
Des ruisselets dans l’herbe et leurs bulles d’écumes ;
Lointainement encor des sons pauvres et las.
Voix par des voix lasses au fond des soirs hélées ;
Des mendiants qui vont, sait-on vers où, là-bas ?
Et des rames en désaccord, et l’autre, et l’une.
Et boitantes et tombantes – et, longuement,
Un vol d‘oiseaux qui plane et plane et, lourdement.
Chavire en un ciel gris, où se fane la lune.
Fleur fatale
L’absurdité grandit comme une fleur fatale
Dans le terreau des sens, des cœurs et des cerveaux.
Plus rien, ni des héros, ni des sauveurs nouveaux ;
Et nous restons croupir dans la raison natale.
Je veux marcher vers la folie et ses soleils,
Ses grands soleils de lune au grand midi, bizarres,
Et ses lointains échos mordus de tintamarres
Et d‘aboiements, là-bas, et pleins de chiens vermeils.
Lacs de roses, ici, dans la neige, nuage
Où nichent des oiseaux dans des plumes de vent ;
Grottes de soir, avec un crapaud d‘or devant,
Et qui ne bouge et mange un coin de paysage.
Becs de hérons, énormément ouverts pour rien,
Mouche , dans un crayon, qui s’agite, immobile :
L’inconscience gaie et le tic-tac débile
De la tranquille mort des fous.
Les arbres
Quand les terreaux, déjà roussis et purpurins,,
Flamboient, sous les couchants mortuaires d’automne,
On voit, d’un carrefour livide et monotone,
Partir pour l’infini les arbres pèlerins ;
Les pèlerins s’en vont, grands de mélancolie,
Pensifs, pieux et lents, par les routes du soir,
Les pèlerins géants et lourds et laissant choir
Leur feuillage de pleurs de tristesse et de lie ;
Les pèlerins marchands invariablement,
Toujours, sur double rang, depuis combien d‘années ?
Toujours, vers l’horizon et ses gloires fanées
Et son insurmontable et despotique aimant ;
Les pèlerins, dont les manteaux tout en lumière,
Mordus par le soleil vespéral qui s’endort,
Apparaissent ainsi que des vêtements d’or,
Trainés, dans un chemin d’encens et de poussière ;
Les pèlerins, aux vieux sommets houleux et fous,
Que regardent passer, le long de leurs sillages,
De mystiques hameaux et de fervents villages,
Courbés dans la prière et jetés à genoux.