lundi, 29 août 2022 18:38

Aïno, chants 3, 4, 5 et 6

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Aïno, aquarelle  de   Albert  Edelfet Aïno, aquarelle de Albert Edelfet Lumière de Finlande au Petit Palais

Chant  3
Rivalité  de  Vainämöïnen et  de  Joukahainen. Victoire  de  Vainämöïnen à qui  son adversaire  promet  sa  soeur  Aïno. 


La renommée  de  Vainämöïnen , barde  et  magicien, s'est répandue bien au-delà des terres  du  Kalevala. Joukahainen, jeune  barde présomptueux de   Laponie décide  d'aller  provoquer son  rival, contre  les avis de sa  famille  qui cherche  à le  retenir, convaincue de la supériorité du  vieux  barde.   

"Là-bas on t'ensorcellera,
Tu sera berné  par  leurs  chants,
Bouche  et  tête dans  le verglas,
Les  poingts dans  le gel  violent
Tes  mains  ne pourront s'agiter,
Tes  pieds  deviendront  immobiles."
[...]

 

Il n'obéit  pas  , il partit.
Il prépara son  beau cheval
Dont  les  naseaux  jetaient  du  feu,
Dont les  jarrets étincelaient;
Il attela  l'ardent  poulain
Devant  le  grand  traineau  doré
Il monta dans  le beau traineau,
D'un bond  s'installa sur  le siège,
Frappa du  bâton le coursier,
Brandit  le  fouet orné  de  perles
Le  cheval  se  mit  à bondir,
A galoper  avec ardeur  
[...]

Les  deux  traineaux  se  croisent  ,  sur  les  prés  du  Kalevala et  se brisent sous  la violence  de la rencontre . A la fin  d'une  longue  joute  oratoire  , Vainämöïnen terrasse  son  adversaire  par ses enchantements et  Joukahainen, vaincu propose la main  de sa  jeune  soeur  Aïno  pour  sauver  sa vie.

De retour  au  logis Joukahainen confesse  le  marché  à sa famille. Devant les  protestations  de  la  jeune  fille qui se révolte à la  perspective d'un  mariage  avec  un  vieil homme, la  mèrer  tente de  la convaincre en vantant  la  gloire qui résultera de ce  mariage.

"Mais  la  soeur  de  Joukahainen
Se  mit  à  geindre sur son sort;
Un  jour,  deux  jours  elle  pleura
Couchée  à travers  l'escalier,
Elle  pleura son  grand  chagrin,
Son  âme  amère et  désolée.
Sa  mère  se  mit à parler :
"Pourquoi  pleurer  petite  Aïno ?
Tu vivras  chez  un fiancé,
Dans  la  maison  d'un  homme  illustre
Pour  être assise  à la fenêtre,
Pour  bavarder sur  le  long  banc."

La  fille  répondit  ainsi : 
"Hélas,  mère  qui m'a  portée
Je pleure sur beaucoup de choses ,
Sur la beauté  de mes cheveux,
Sur  l'abondance  de  mes tresses,
Sur  la finesse  de   mes boucles,
Car  jeune  je dois  les cacher, 
Les voiler quand  je  pousse  encore.
Je  pleurerai toute  ma vie
La tendresse  du  chaud soleil,
La douceur  de la belle  lune,
La  magnificence  de   l'air, 
Car jeune   je dois  les quitter.
[...]

Chant  4
Aïno, désolée de devenir l'épouse  d'un  vieillard  se  noie

Dans  un  bois  Aïno  rencontre  Vainämöïnen:

Elle revenait  au  logis,
Trottinait dans  le bosquet d'aunes
Quand  vint  le  vieux  Vainämöïnen.
Il vit la vierge dans  le bois,
La  robe  fine parmi  l'herbe, 
Il parla  de cette façon :
"Vierge ce n'est  pas  pour  les autres,
Jeune  fille c'est  pour  moi seul 
Que tu  portes  au  cou  des  perles,
Qu'une croix  orne  ta  poitrine
Que tes cheveux  sont  mis en nattes
Noués  par  un ruban de soie."

La  jeune fille répondit:

"Ce n'est pas  pour toi ni pour d'autres
Qu'une  croix  orne  ma  poitrine
Et qu'un ruban  noue mes cheveux !
Je fais  fi des beaux  habits  bleus,
Me moque du pain de  froment,
J'aime  mieux des robes étroites,
Préfère des  croûtons  de  pain, 
Dans  le  logis  de  mon père
Avec  ma  mère  bien-aimée."

De  retour au  logis  , elle  raconte  sa  rencontre  avec  Vainämöïnen et  à nouveau justifie  son  chagrin  et ses regrets . La  mère encore tente de la convaincre en lui vantant   les avantages  de  sa  future condition :

A  l'enfant  la vieille  parla:
"Ne  pleure plus  ma chère fille,
Ne geins  pas  fruit de ma  jeunesse !
Un an  nourris-toi  de  pur beurre
Tu seras  plus fraîche que toutes.
Un autre an  nourris-toi de  porc,
Tu seras  plus vive que toutes.
Un troisième an de   pain de  crème
Tu seras  plus belle  que toutes.
Rends-toi vite sur la colline 
Ouvre le grenier le  meilleur,
 Un coffre est sur  un autre coffre
Un  bahut  à côté d'un autre
Fais grincer  le brillant  couvercle
Tu verra  six  ceintures  d'or,
Sept  magnifiques  robes  bleues
[...]

 Mais  le desespoir  d'Aïno est  trop  grand  :

"Mieux  aurait  vallu  m'ordonner
D'aller  sous  les vagues  profondes
Pour  être  la  soeur des  poissons, 
La  parente des lavarets;
Mieux  vaudrait  être dans  la  mer,
Habiter  au-dessous des ondes
Telle que la soeur des  poissons
La  parente des  lavarets
Que d'être  le soutien d'un vieux
De  protéger  celuii qui tremble,
Qui  trébuche dans ses chaussettes
Qui  s'achoppe  à chaque  bûchette"
[...]
Un  jour  elle alla, puis  un autre  
Au terme  du  troisième  jour
Elle  parvint devant  la  mer, 
[...]
C'est ainsi  que  périt  l'oiselle
Que disparut  la  jeune  vierge
....

La  mère se  mit  à pleurer
La  source des larmes coula;
Puis elle  prononça ces  mots
La  malheureuse  dit ses  peines
"Au grand jamais, ô pauvres  mères
Pendant  le cours de cette vie,
Ne  bercez vos  petites  filles
Ne soignez  vos  jeunes enfants
Pour les contraindre au mariage
Comme  je  l'ai fait  pauvre  mère
Comme  j'ai bercé  ma fillette,
Elevé ma belle colombe."

Des larmes de  la  mère  naquirent   trois fleuves,  trois cascades  dans chaque  fleuve , de chacune  une colline d'or  au sommet desquelles  s'élancèrent  trois bouleux où se  posèrent   trois coucous d'or.   Le  premier  chantait  Amour, le second  Amante, le dernier  Gaité. Amour  pour la vierge  privée  d'amour  ,  Amante  pour le fiancé  sans amie  , gaité  pour  la  mère sans  joie.   

Chant  5
Vainämöïnen cherche  Aïno  dans  la  mer. Il décide  d'aller  épouser  une  fille  de  Pohjola.

Tristesse  de  Vainämöïnen

Il pleura le soir,  le  matin  
Il pleura surtout  pendant la  nuit
Car  la belle avait disparu
La  vierge s'était endormie
Enfoncée  dans  l'onde  limpide
Au-dessous des vagues  profondes.
...

Il invoque  Untamo, frère  de  Kalervo et divinité  du  rêve et lui demande  où se trouve  Ahtola et ce qu'il  sait  des filles de  Vellamo.
(Kaleva  ou  Kalervo :  géant  mythique, père de  12  héros  dont  Vainämöïnen et Ilmarinen
Ahtola résidence  d' Ahto , le  Neptune  finlandais
Vellamo épouse  d'Ahto, divinité  secourable  et  propice  ) 

Le  poème  situe  Ahto  , au  nord :

A la  pointe  du   Cap  brumeux
Au bout de   l'île  nébuleuse
Au-dessous des  vagues  profondes
Au-dessus de  la vase  noire
...

Vainämöïnen part  donc  pêcher là-bas. Un jour  il capture  un  poisson  étrange qui  n'est autre  que Aïno. Après  lui avoir  révélé  qui elle est  , elle se  moquue  de lui.

Holà pauvre  insensé
Vainämöïnen à l'esprit court
Tu n'as  pas su  garder  pour toi
L'humide enfant  de  Vellano
La  meilleure  fille  d'  Ahto
...

Puis  elle disparait  à  jamais.
Longtemps Vainämöïnen cherche  Aïno.. Accablé  par  les remords  et  le chagrin il invoque  sa  mère qui lui conseille  de  se  rendre  à  Pohjola  où il trouvera  des filles  plus  belles.

Joukahainen

Akseli Gallen-Kallela, La  vengeance  de  Joukahaïnen

Chant 6 
Joukahaïnen guette  Vainämöïnen et le  précipite dans  les  flots

[...]
Le ferme et vieux  Vainämöïnen
Résolut alors de  se  rendre
Dans  le  village  glacial
Au fond de  l'obscur  Pohjola.
[...]

Depuis  son  échec  et  la  dispatrition de sa  soeur, Joukahainen a nourri jalousie et  rancoeur et un profond  désir de   vengeance. 

[...]
Il construisit  un arc  rapide
Embellit  sa  forte arbalète;
Il forgea  l'arc avec du fer,
Fondit  en  cuivre  l'arbrier
Le décora de dessins d'or,
Le recouvrit de  fin argent :
Mais  où va-t-il trouver  la corde ?
Qui lui fournira  la ficelle?
 Les  nerfs de  l'élan de   Hiisi,
Les crins  du  cheval  de  Lempo.
[...]

Puis  il  guette longuement  Vainämöïnen

[...]
Je veux tirer  contre Vaïno
Abattre le barde éternel
Transpercer son  coeur et son foie
Trouer la chair  de ses  épaules
[...]

Sa mère tente  une nouvelle fois  de s'opposer  , d'ébranler  sa décision. Mais  Joukahaïnen  persiste . Il finit  par retrouver  le  Barde l'attaque , tue son  cheval  et  Vainämöïnen est  précipité dans  les  flots  . Il faut ici  souligner  l'efficacité du  poème pour  traduire  la dimension  dramatique de  la  situation , les  hésitations  de Joukahainen,  puis sa détermination , la  longue attente  à épier  Vainämöïnen, la satisfaction à l'issue  du combat  et  l'aboutissement  qui  finalement  valorise  le vaincu par l'expression  de  la  tristesse  de la mère dans  les quelques  vers  qui  concluent  ce  long  chant:

[...]
La  mère dit alors ses  mots:
"Malheureux  tu   t'es  mal  conduit
En tirant sur  Vainämöïnent
En tuant Kalvelainen,
Le  héros  de  Suvantola,
Le  plus  beau  fils de  Kaleva !"


(Les  vers sont dans  la  traduction de  J-L Perret)

Lu 1360 fois Dernière modification le mercredi, 07 septembre 2022 13:28
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