Adonc Väinämöinen
gagne de pied ferme la lande
Sur l'île rase aux reins des vagues,
Terre nue, la terre sans arbres.
Il y demeure mainte année ,
Jour après jours coulant sa vie
Dans l'île rase ,île sans nom,
Toute nue, la terre sans arbres.
Il songe, le sage, et resonge,
Retourne l'idée dans son crâne :
Qui saura faire les semailles ,
Lancer les nuages de graines ?
Pellervo, le fils de la terre
Le fils petit du champ, Sampsa,
Voilà l'homme pour les semailles
Et les nuées de graines vives !
Dos courbé, il jette la semaille,
Sème en terre, sème en moullières,
Il nappe les chablis sableux,
Il ensème dru la rocaille.
Sur les collines, les pinières,
Sur les tertres, les sapinières,
Il sème la lande en bruyère
En taillis tendres les vallons.
Puis les bouleaux en marécages
En terre moullières les aulnes,
Les merisiers en terres neuves,
Et les marsaults en terres fraîches,
En terres sacrées les sorbiers,
Dans les terres de crues les saules,
Le genièvres en terres arides,
à l'orée du fleuve les chênes.
Poussée vive les arbres lèvent,
Hautes ramées, tendres ramilles,
Les sapins poussent , cimes rouges
Branches déployées les pins s'ouvrent.
Les bouleaux lèvent dans les noues,
Les aulnes par terres mouvantes,
Les merisiers en terres fraîches
Et le genièvre en terre aride,
Du genièvre la jolie baie,
Et le fruit du bon merisier.
Le vieux Väinämöinen ,
Barbe sage vient regarder
La levée des grains de Sampsa,
Les semailles de Pellervo.
Il voit les arbres déployés,
Bourgeons levés les pousses jeunes ;
Seul manque aux semailles le chêne,
L'arbre Dieu n'a point ses racines.
Il peste et maudit la canaille,
Jure maints jurons sur son sort ;
Puis il attend trois nuits encore,
Veille autant de jours et patiente.
Puis il vient regarder l'ouvrage.
Après long temps, longue semaine :
Nenni , n'a point poussé le chêne,
Pas une griffe à l'arbre Dieu.
Le chêne finit par pousser mais il est trop grand il faut l'abattre
L'arbre déploie ses branches grandes
Il s'étire en rameaux feuillus.
La cime se hisse aux nuages,
Le ramage envahit le ciel,
Brise la courre des nuages,
Déchire les flocons pressés,
Soleil étouffé, jour couvert,
Le vieux Väinämöinen
Lors songe, barbe sage et pense :
Qui saurait l'abattre le chêne,
Coucher l'arbre , le beau, le fier ?
Triste sera la vie pour les hommes,
Pour les poissons, la nage affreuse
Sans jour, sans le feu du soleil,
Ni la lune aux blanches lueurs.
Le chêne est abattu, puis tous les arbres seul le bouleau est épargné
Le coucou vient , gorge en printemps,
Il voit debout le bouleau blanc :
« Pourquoi l'as-tu donc épargné
le bouillard à l'écorce blanche ? »
Väinö le vieux lui répond :
« entends pourquoi j'ai laissé l'arbre,
le bouillard ouvrir sa ramée :
il sera ton arbre de chant .
« Coucou viens-t'en piailler de gorge,
fais ton chant clair , gosier de sable,
gosier d'argent, ton cri limpide,
coule haut ta gorge d'étain !
Coucoule aux soirs, bavarde à l'aube ,
Chante encore au mitan du jour,
Crie, prodige en ces terres miennes,
Joue mes forets en tintamarre,
que le gibier vienne à mes rives
Et les moissons à mes champagnes ! »
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