Pour cette œuvre j'ai ressorti un de mes vieux vinyles RCA où la pantomime est interprétée par l'orchestre National de l'opéra de Monte-Carlo Sous la direction de Bruno Maderna. La pochette comporte cette analyse de Marc Pincherle :
La composition du Mandarin Merveilleux, "pantomime en un acte" opus 19 de Bartók, se situe d'octobre 1918 à mai 1919, au cœur d'une période pendant laquelle son pays est cruellement déchiré :"Guerre et révolution, écrit son compatriote Bence Szabolsci, bouleversement général, catastrophes partout la vision d'une mort menaçante et d'une vie s'asphyxiant. Et la vision aussi d'une vie qui ne pourra plus continuer comme par le passé; le spectre du bien et du mal entrelacés dans une étreinte morbide, le spectacle désolant de la force destructrice et de l'élan vital, de l'humanisme et de la cruauté, des mondes oriental et occidental, des grandes villes délabrées et d'une paysannerie en révolte, de la civilisation et des énergies primitives. C'est en cette période où s'affrontent violemment des forces opposées que jaillit de l'âme du compositeur hongrois la musique du Mandarin Merveilleux.
Un étrange livret lui avait suggéré l'idée de cette pantomime.
L'action imaginée par Menyhert Lengyel, qui se déroule dans la chambre d'un hôtel mal famé ( par la suite des metteurs en scène lui ont donné pour cadre une ruelle sinistre, un ravin caché au creux d'une montagne abrupte, etc.) fait d'abord apparaître une jeune prostituée, dressée par trois gredins à attirer les passants, qu'ils dévalisent sans tarder. Entre d'abord un vieux galant d'aspect misérable, immédiatement mis à la porte, parce que sans argent. Lui succède un jeune homme timide qui, pour la même raison subit les même sort .
Alors se présente un Mandarin,imposant , impassible , inquiétant. La jeune fille danse pour le distraire, mais elle a peur de lui et s'enfuit lorsqu'il tente de la serrer de plus près. Mais par sa danse , elle lui a inspiré une véritable passion. Il la poursuit, la rejoint. A ce moment les bandits sortent de leur cachette et, par trois fois, essaient de le tuer en l'étouffant sous des coussins, en le transperçant d'un coup d'épée,finalement en le pendant; mais la corde cède , il tombe et la jeune fille , prise de compassion , se penche vers lui et l'embrasse. Son désir étant exaucé, il meurt.
On a expliqué le choix de cet argument par la révolte de Bartók contre la corruption du monde contemporain , qui avilit tout, jusqu'à l'amour. Ce qui nous importe à un demi siècle de distance * , c'est que la violence certaine qui anime sa partition n'a rien perdu de son intensité, que l'originalité de son écriture est intacte, que la symétrie de l’œuvre, Triptyque dont la Danse du Mandarin forme le panneau central , reste un exemple de structure formelle, étayée par la présence, aux principales articulations, d'harmonie basées sur des intervalles caractéristiques et tout aussi efficace que de véritables leitmotive.
Une autre interpretation sur youtube
*ecrit dans les années 1970