Ses autres pseudonymes :Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat
Extraits de la biographie de Myriam Anissimov:
" Cependant sous la carapace de la réussite et de l'arrogance , les traumatismes qu'il avait subis depuis son enfance menaçaient de disloquer l'édifice fragile. Dans "la nuit sera calme " Gary écrivit:
Il y avait une fois un caméléon, on l'a mis sur du vert et il est devenu vert, on l'a mis sur du bleu et il est devenu bleu, on l'a mis sur du chocolat et il est devenu chocolat et puis on l'a mis sur un plaid écossais et le caméléon a éclaté."
" Gary ,homme aux multiples visages était bien plus que le personnage dont les médias ont tracé le portrait. Il fascinait ses lecteurs par sa prestance, son gout pour l'aventure et la mystification
Pourtant il lui arrivait de douter de son existence...."
Roman Kacew est né en Pologne dans une communauté juive de Wilno ; tôt abandonné par son père il fut élevé par sa mère qui lui vouait une véritable vénération et envers laquelle l'amour excessif le porta parfois à la haine.
"Dès sa plus tendre enfance , Gary avait dû appendre à vivre dans un monde hostile et dans des conditions précaires , entre Wilno et Varsovie, deux villes de l'empire tsariste embrasé par de gigantesques pogroms, en proie aux convulsions de la guerre et de la révolution.
La France tant idéalisée, lui réserva d'autres épreuves auxquelles il répondit en s'adaptant, c'est à dire en effaçant ce qui pouvait le distinguer.
Il revêtit avec bonheur l'uniforme d'aviateur de la France libre puis de Consul général....
Il semblait donc avoir pleinement accompli les voeux de sa mère: devenir un héros, capitaine de réserve dans les Forces aériennes Françaises libres, compagnon de la Libération , commandeur de la Légion d'honneur, écrivain à la fois adulé et sous-estimé...diplomate, cinéaste, Grand reporter pour des magazines américains... "
Sa fidélité au Général De Gaulle après les évènements de 1968, ayant fait de lui dans les milieux littéraires, un romancier conventionnel et réactionnaire , il se créa le personnage de Emile Ajar , sous lequel il écrivit "la vie devant soi" qui lui valu un second prix Goncourt.
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Peux-t-on dire d'un homme qu'on n'a pas connu , qu'il vous inspire une immense tendresse et dont la seule évocation soulève votre poitrine comme au souvenir de ces êtres chers qui sont loin de vous !
C'est bien ainsi pourtant que j'aime Romain Gary !
Je l'ai découvert tardivement , peut-être victime de cette mauvaise publicité de ces milieux littéraires qui l'on sous estimé si longtemps.
Certaine d'avoir lu La Vie devant soi au moment de sa parution ou presque, l'idée que j'aie pu, à cette époque, réfréner mon enthousiasme me révolte.
L'an passé j'ai donc renoué avec Romain Gary en lisant le chef d'oeuvre d'Emile Ajar mais aussi Chien Blanc et la Tête coupable
Les grands thèmes de La vie devant soi:
L'entrée dans la vie d'un enfant arabe élevé par une vieille prostituée juive avec d'autres enfants de même origine sociale mais de racines diverses et multiples avec seul point commun l'abandon et ses phantasmes; cet immense besoin de tendresse !
La prouesse d'Emile Ajar, c'est de nous faire sourire à travers nos larmes, parce que c'est une histoire d'amour racontée avec les mots tordus d'un enfant qui traduisent toute sa perspicacité sur sa condition et son environnement! sa tendresse pour la vieille dame, sa sensibilité, sa trop précoce maturité!!
C'est aussi les angoisses de la vieille femme: peurs des souvenirs et peur de la maladie, de la mort prochaine qu'elle oublie dans cette maternité de substitution.
C'est enfin une admirable leçon de tolérance, d'anti-racisme , de chaleur humaine sans aucune mièvrerie ni misérabilisme et un bijou linguistique !!
Chien blanc: Un sujet « brûlant » du temps de Martin Luther King , le racisme en noir et blanc aux E.U. à travers une histoire de chien. Une de ses phrases que j'ai retenue : « J'aime les chiens mais pas la chiennerie" (citation approximative !)
Romain Gary ne voulait pas s'engager dans la cause pour l'égalité des droits civiques , déjà trop meurtri et laissait à sa femme Jean Seberg l'initiative du combat Mais le sort en avait décidé autrement et il fut vite rattrapé, séduit par un appât imprévisible: un chien perdu, la plus douce des créatures en détresse qui se révèle avoir été dressée contre les noirs !
La tête coupable :Avec celui-ci j'ai ri comme je ne l'avais pas fait avec un livre depuis longtemps : aux larmes ! je résumerai en disant que c'est une fable humaniste mais il y a de l'autobiographie et il faut du courage pour se tourner ainsi en dérision .
Mon admiration pour cet homme va bien au delà de son talent !
Dans le livre de Todorof Mémoire du mal et Tentation du bien, il est cité parmi ces êtres d'exception n'ayant pas renoncé à croire que "l'homme mérite de rester le but de l'homme" ,chez qui "le bien et le mal cohabitent comme en chacun de nous, avec cependant davantage de lucidité et de courage; ce ne sont pas des héros (ils en refusent le qualificatif!)mais des hommes avec toute la beauté de leurs faiblesses!"
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Quelques romans :
La vie devant soi
Chien blanc
La tâte coupable
La promesse de l'aube