De la lecture de ses seuls romans, je crois qu'on.se fabrique de Dostoievski, l'image d'un être tourmenté, complexe, sombre, pessimiste, torturé ; une vague connaissance de sa vie nous laisse pressentir le malheur, l'irascibilité , l'emprise destructrice de la passion ; de ses quatre années au bagne de Sibérie on le situe généralement dans la mouvance révolutionnaire de la fin du XIX s jusqu'à ce que la lecture du Journal d'un écrivain ébranle nos convictions ; on perçoit des rapports délicats avec Dieu....
Mais ce tissu déjà complexe n'est rien par rapport à l'esprit tourmenté, convaincu de sa responsabilité morale, religieuse et politique vis à vis du peuple russe dont se sent investi Dostoievski et qui a produit à la fois le Prince Mychkine et le nihiliste Stavroguine , le doux Aliocha et le terrible Raskolnikoff, les pires descentes aux enfers en compagnie du démoniaque pour exalter le plus souvent un dénouement dans la rédemption .
Qu'un même homme ait pu adhérer aux thèses révolutionnaires des Décembristes jusqu'à la condamnation à mort puis épouser la doctrine slavophile faisant du tsar le pére bien aimé du peuple russe, avant de «syncrétiser »tout cela dans une vision mystique d'un christianisme orthodoxe donc millénariste par opposition à l'humanisme catholique dont est issu le socialisme européen voilà de quoi être dérouté !
Nicolas Milosevitch, parle souvent de déchirement , d'amplitude idéologique, mais aussi de perte du respect de soi , de doute et d'angoisses existentielles .
Il est vrai qu'une grâce accordée sur le lieu-même de l'exécution , 4 années dans un bagne de Sibérie, l'épilepsie qu'il y a contractée, la ruine , la passion d'écrire aussi bien que celle du jeu, autant d'évènements qui ne peuvent contribuer à apporter la sérénité !
Le livre se termine pour moi sur un argument de fond : les circonstances dramatiques de la vie de Dostoievski expliquent-t-elles la complexité de son œuvre ou bien la complexité de sa personnalité est-elle à l'origine de la tragédie de sa vie ?
« Le caractère est le destin de l'homme »
Maxime attribuée à Héraclite et citée par N. Milosevitch)