J'avais une douzaine d'années je crois, quand j'ai « découvert » l'Amazonie. C'était alors pour moi, une contrée vierge, pleine de mystère, à la fois hostile et accueillante: riche de dangers évidemment surmontables pour l'initié, habitée par de rares populations « sévères » mais vivant d'une manière si naturelle ! Mon idée du climat s'était figée sur une chaleur bénéfique, contrastant avec mes premiers romans d'aventures qui se déroulaient généralement dans des régions nettement plus septentrionales ! Toute la faune du parc zoologique que je fréquentais assidûment s'y retrouvait : singes, jaguars, pumas et surtout, perroquets et aras évoluant dans des arbres immenses voisinant avec les orchidées et les plantes carnivores . J'y ajoutais probablement quelques tigres et j'oubliais les insectes .
A cet age où l'on rêve fréquemment d'îles désertes, et d'évasion d'un monde d'adultes décevant et autoritaire, l'Amazonie m'apparaissait comme l'endroit idéal et j'allais consacrer pas mal d'heures pour enrichir ce fantasme.
Naturellement je me tournais d'abord vers l'exploitation des cartes géographiques , puis vers la littérature.
Je me limitais au zones « très vertes » de la forêt équatoriale, suivais le parcours de l'un des plus grand fleuve du monde dont on ignorait encore les sources, dénombrais avec délices ses affluents et égrenais inlassablement les noms des villes qu'il rencontrait : Belem, Santarem, Manaus, Iquitos j'en ai oublié beaucoup mais c'était le début d'un long chapelet que je préférais nettement aux identités remarquables !
Le bassin amazonien n'avait pour moi pas de frontières, ; on y entrait par l'océan et dès lors la jungle se refermait sur l'audacieux qui faisait ainsi ses adieux au monde pour un voyage définitif et sans retour.
Je croyais encore la foret généreuse et facile la subsistance !
Dés que j'ai commencé à lire des ouvrages sur cet eden , j'ai compris que survivre dans ce que j'allais reconnaître comme l'enfer vert n'était pas si aisé et qu'une étude approfondie s'imposait .A cet age on veut bien disparaître mais pas pour mourir !
J'ai compris aussi que cette végétation luxuriante cachait une misère humaine pitoyable : de l'enfer des carbets aux plantations de latex , en passant par les orpailleurs et les braconniers, que l'ethnologie ne s'improvisait pas, et que les meilleures intentions du monde n'étaient pas un passeport suffisant pour s'introduire dans une culture étrangère.
J'ai donc abandonné progressivement mes cartes pour ne conserver que la lecture . Je ne renonçais pas à l'Amazonie , je reportais seulement mon départ ! En réalité, il est probable que durant ces quelques mois j'avais « grandi » et découvert les limites du rêve !
Pourtant j'ai conservé de ce voyage "initiatique" un attachement profond à cette région du monde ; de cette imagination soutenue par la lecture intense, les bruits de la forêt me sont restés comme une mémoire ; je peux je crois imaginer un réveil dans la brume de l'aube , l'odeur des moiteurs végétales, les jeux du soleil dans les immenses frondaisons et jusqu'aux instants de silence contrastant avec la cacophonie habituelle pour révéler un changement d'heure ou de temps.
Des livres :
Alain Gheerbrant : L'expédition Orénoque-Amazone
Ferreira de Castro : Forêt vierge
Albert Mahuzier :Le fleuve Amazone 7025 km
Raymond Maufrais : Aventures au Matto-Grosso et en Guyane (1)
Pierre Clastres : Chronique des Indiens GuayaKi
Claude Lévi-Strauss : Tristes tropiques
Blaise Cendrars : Brésil, des hommes sont venus
Anne Sophie Tiberghien : Mon coeur s'appelle Amazonie (1983)
Henri Michaux : Ecuador
Gilles Lapouge : Equinoxiales
(1) Le site de référence de raymond Maufrais
Le film est annoncé pour le 25 novembre 2015 :