Le corsaire
Je fais la guerre à Dieu, tout seul. Je suis corsaire
Dans ce temps sans blason.
J’ai le poème dans les bras
Et je me bats pour le tumulte
Et la folie des villes sombres.
J’ai dans la tête
l’éclair masqué. Quel contre
Peut encore me toucher ? Quel jeu de jambes
suivre celui du cœur qui ne veut plus danser.
Au ciel femelle
Mon nom s’est érigé et fait feu dans la foule.
Je l’ai voulu , j’ai eu
Le monde en corps à corps
J’ai frappé son visage et sculpté son délire
Faisant je ne sais quoi d’obscur en sa manière.
Quel dur travail le jour pour voir finir le jour
Et la nuit pour mourir et naître à la fureur.
Et quel acharnement à profaner la face
Quelle honte d’avoir
canaille fait jouir en la frappant d’amour.
Plus nu que Dieu à l’aube
Je m’en allais, suivant mon âme
pour voir de grands poissons morts à l’état sauvage.
Et nous demeurions là longtemps, par les narines
Aimant le sel, suivant l’iode, le sillage
Imprimé très profond. Bien plus profond que cœur de sable
D’amour extrême quand je fus
Sur le bord de tuer
J’ai entendu la voix dans la nuit la plus basse
Qui disait : il est temps de demander la paix.
J’ai demandé. J’ai quitté les colonnes
En papier des journaux, du temps, du compte en banque.
Le soir au Large en remontant
Je retrouve le sel.
Bonheur d’être soutier tout au fond du navire.
Mélopée viking
Les chevaux de la mer n'auront pas de poulains aux herbages d'écume abolis sous le vent.
Les marées porteront aux veilleuses d'océans, de nos peuples ramant le sauvage regain.
Nous chercherons un pays plus vaste que la faim, plein de signes, de voix, de meurtres dans les airs.
Et de hautes cités ou des saintes de pierre font un rêve plus fort que l'écume des vins.
Une épouse qui soit plus douce qu'un poulain, le regard aussi frais qu'un naseau frémissant.
Un amour aussi pur que le fer et le sang, que la mort dans les yeux insoumis du matin.
Quand la rouille du glas et les cris du tocsin s'éteindront sous l'ortie dans les vaguues de pierres
Quand les guêpes naîtront où les femmes chantèrent, aurons-nous terminé nos funèbres destins ?
Pourrons-nous en mourant voir la reine des brumes, plus pâle, encore plus pâle entre ses colliers blancs ?
Pourrons-nous endormis sur les bords du Couchant écouter la rumeur des suprêmes Lagunes ?
Tous les dieux sont moins fiers qu'un sauvage poulain, tous les cieux sont moins forts que le cri des brisants.
Les marées étendues sur nos peuples gisants, les chevaux de la mer n'auront plus de poulains.