( collection les plus grands peintres chez Larousse)
Quelques beaux extraits de la biographie du peintre par un grand admirateur .
Déboirs et compensations
... De son propre aveu, il aima la gloire :
« Les éloges, a-t-il écrit sont le vent qui enfle la voile et nous pousse à aller plus loin. Il faut être doué d'un furieux amour-propre pour pouvoir se passer de l'assentiment des autres, et j'avoue mon faible à cet égard. »
Il eut l'amitié et l'admiration de Stendhal, de Mérimée ; Balzac lui a dédié La fille aux yeux d'or ; Alfre d de Musset, qu'il n'aimait guère, le tint en haute estime ; Théophile Gauthier le célébra ; Sainte- Beuve sut le deviner, le placer à son rang . De George Sand à Rachel, de Chopin à Liszt, de Cuvier à Barye, à peu près tous les illustres de son temps lui ont donné ce surcroit d'assurance et de courage dont il eut la modestie de ressentir le besoin.
Goethe lui-même approuva son Faust :
« Il faut avouer que ce Mr Delacroix est un grand talent ...Il me faut convenir que Mr Delacroix a surpassé les tableaux que je m'étais faits des scènes écrites par moi-même. »
Delacroix et Baudelaire
... en 1845 , s'était accompli, un des plus hauts faits de l'histoire de Delacroix : sa rencontre avec Charles Baudelaire. Le peintre avait 47 ans le poète 24 C'était donc la jeunesse rendant à l'âge mûr un hommage aussi précieux, déjà que capable d'inspirer à celui qui le recevait une confiance entière sur l'avenir .
Dans on mémorable salon de 1846 Baudelaire a écrit :
« Le romantisme et la couleur me conduise droit à Eugène Delacroix. J'ignore s'il est fier de sa qualité d romantique ; mais sa place est ici parce que la majorité du public, l'a depuis longtemps , et même depuis sa première œuvre, constitué le chef de l' Ecole moderne. »
Leurs noms sont devenus inséparables...Sidentifiant à Delacroix , il a transposé par les mots, la cadence et la rime Le Tasse en prison . il y a tant de correspondances entre Le rebelle et la lutte de Jacob et de l'ange(terminé près de 20 ans plus tard), qu'on pourrait croire le premier directement inspiré du second .
Le rebelle
Un ange furieux fond du ciel comme un aigle,
Du mécréant saisit à plein poing les cheveux,Et dit, le secouant : " Tu connaîtras la règle !
(Car je suis ton bon Ange, entends-tu ?) Je le veux !
Sache qu'il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le méchant, le tortu, l'hébété,
Pour que tu puisses faire, à Jésus, quand il passe,
Un tapis triomphal avec ta charité.
Tel est l'Amour ! Avant que ton coeur ne se blase,
A la gloire de Dieu rallume ton extase ;
C'est la Volupté vraie aux durables appas !"
Et l'Ange, châtiant autant, ma foi ! qu'il aime,
De ses poings de géant torture l'anathème ;
Mais le damné répond toujours : " Je ne veux pas !"
Charles Baudelaire
(Combat de Jacob contre l' ange )
Entre le génie de l'écrivain et celui du peintre , il existe une évidente parenté Delacroix a pu agir sur Baudelaire et Baudelaire sur Delacroix. Mais l'un était l'ainé et l'autre le cadet, ce qui explique le ton respectueux, filial, des lettres de Baudelaire à Delacroix et la réserve un peu hautaine de celui-ci à l'égard de celui-là , dont il n'approuvait sans doute pas le style de vie .....
Les écrits de Delacroix
Delacroix a beaucoup écrit ....
Il n'écrivit jamais pour le plaisir de briller, moins encore par passe-temps ou pour en retirer quelque avantage matériel. Son seul objectif fut de parvenir par cet exercice, à se mieux connaitre lui-même : précisant sa pensée , analysant ses sentiments, fixant ses impressions de lecture, ses observations sur la nature et sur les hommes, exprimant son jugement sur les maitres d'autrefois et les artistes de son temps, recueillant les exemples à suivre ou à ne pas suivre, confiant au papier le secret de ses aspirations, de ses projets et de ses rêves. Cela va de la recette de pure technique aux vues générales sur la destinée humaine, du portait particulier à la synthèse , du petit rien subtilement choisi à des ouvertures sur des immensités de mystère .Ce qu'il nous livre en somme, c'est la possibilité de participer en quelque sorte , à la vie quotidienne du génie....
Le secret de Delacroix
Tel Félix Arvers,(1) Eugène Delacroix a-ti-il stoïquement subi un eternel amour pour une créature douce et tendre , mais qui « à l'austère devoir pieusement fidèle », en a jamais rien su ?
On ne s'est pas privé de le prétendre , sans preuves ...
Loin de médire du mariage , il a écrit :
« Une épouse qui est de votre force est le plus grand des biens . Je la préférerais supérieure à moi de tous points, plutôt que le contraire . »
Cette épouse fidèle ayant omis de se présenter sur son chemin , un labeur passionné , entrecoupé de diversions compensatrices, , telle fut bientôt la règle de son existence équilibrée. Les nus qu'il a peints , montrent qu'il n'étaient pas insensible à la grâce corporelle. Mais il en craignit la tyrannie sauvage Nullement romantique à cet égard , son idée très haute et très pure de l'amour véritable fut ce qui l'empêcha toujours de se jeter dans les aventures « folles et impérieuses « . Malgré l'admiration et l'amitié qu'il eut pour elle , George Sand l'épouvantait . Il plaignit le pauvre Chopin. Sa chance ce fut de rencontrer , Jeanne – Marie Le Guillou, chez des amis où elle était fille de journée. De Jeanne Marie, anglomane , il fit Jenny.
Elle n'était pas belle, ils avaient à peu près le même âge , sans que cela put constituer un péril ... Cela dura pendant trente ans, il fallut la mort pour les séparer ... Autour de celui qu'elle idolâtrait , elle aurait voulu faire le vide. Il y gagna la tranquillité favorable à la méditation , aux grandes entreprises, au repos, Jenny a donné à Delacroix le bonheur de connaître et de dire qu'il existait un être dont le cœur était à lui sans réserve .
La mort de Delacroix
Il mourut à soixante cinq ans d'un rhume qu'il avait commencé par négliger
Le mal s'aggravant, il disait , si je guéris comme je le pense, je ferai des choses étonnantes ».
Nous devons à Théophile Silvestre le récit de ses derniers jours. « Eugène Delacroix, c'était à la fin de juillet, fait appeler son notaire, qui ne peut dit-il recevoir ses dispositions que deux jours après. Mais le malade s sans perdre un instant, se fait relever sur son séant avec une pile de coussins et écrit deux heures ses volontés d'une main ferme. Puis, malgré l'extrême fatigue, il parait radieux.
« ---Hélas dit jenny, étouffant ses pleurs, vous êtes brisé mon pauvre maître.
« ---Oui , mais je suis content ; j'ai eu le courage de faire cela pour vous.
« le 12 aout, dans la nuit, tenant dans ses mains les mains de sa servante, il respirait difficilement, fixant sur elle des regards profonds . Son intelligence au lieu de défaillir , semblait prendre plus de subtilité. »
On entendit sonner l'angélus de Saint Germain des prés.
Le 13 aout 1863 à sept heures c'était fini
Par son exemple et son enseignement, il reste actif, tous les jours parmi nous.
C'était un grand peintre, un grand écrivain et un grand homme .
Maximilien Gauthier (extraits )
(1) Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
Un amour éternel en un moment conçu.
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.
Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.
Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas ;
À l'austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle :
« Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas.
(1) Sonnet d'Arvers: http://fr.wikipedia.org/wiki/Sonnet_d%27Arvers
(2) Maximilien Gauthier , célèbre critique d'art (1893-1977)