" Oeuvre la plus puissante que nous ait léguée le Moyen Âge scandinave, l'histoire des rois de Norvège fut rédigée vers 1230 par l'auteur de l'EDDA, le poète et historien islandais Snorri Sturluson. Elle retrace la vie des fondateurs du royaume de Norvège depuis les origines mythiques de leur dynastie jusqu'à la bataille de Ré en 1177.
L'auteur s'est arrêté principalementsur l'époque tumultueuse des IXé-XIé siècles qui vit les Norvégiens tout à la fois livrer des raids contre l'Europe occidentale, avant de s'implanter durablement dans plusieurs régions de la Grande-Bretagne et de l'Empire franc: coloniser îles et archipels de l'Atlantique nord, se doter progressivement d'un Etat unitaire, après les victoires remportées par Harald à la Belle Chevelure vers la fin du IXe siécle; puis se rallier non sans de farouches résistances, à la religion chrétienne que leur imposèrent par le fer et par le feu deux rois évangélisateurs, Olaf fils Tryggvi, à à l'extrème fin du Xe siècle et Olaf le gros, qui trouva la mort à la bataille de Stiklestad en 1030 et passa à la postérité sous le nom de Saint Olaf.
Reposant sur une vaste connaissance des sources orales et écrites qui conservaient le souvenir des actes d'éclat accomplis par les souverains de Norvège, ce sommet de l'historiographie norroise qu'est l'ouvragze de Snorri Sturluson se distingue également par la methode critique et par l'exceptionnel talent littéraire de l'auteur.
Le présent volume constitue la première partie de l'histoire des rois de Norvège, oeuvre qui n'avait jamais été publiée dans son intégralité en langue française. La traduction est accompagnée de nombreuses notes explicatives, de cartes géographiques, de tableaux généalogiques et de plusieurs document iconographiques."Spécialiste de la Scandinavie ancienne médiévale, François -Xavier Dillmann est directeur d'études à la IVè section de l'Ecole pratique des Hautes Etudes en Sorbonne. Il est également directeur de la revue d'études nordiques PROXIMA THULE. Le prix de la traduction de la Société française des traducteurs lui a été décerné e 1991 pour l'Edda de Snorri Sturluson publiée dans cette même collection
(collection Gallimard A l'aube des peuples. (4ème de couverture )Snorri Sturluson
Né en à Hvammur et mort en à Reykholt) est un homme politique, diplomate, historien et poète islandais. Il est le principal écrivain scandinave du Moyen Âge. Auteur de nombreuses sagas et de récits mythologiques, son œuvre constitue une source essentielle pour la connaissance de la mythologie nordique.Snorri Sturluson sur wikipedia
Il est en particulier l'auteur du célèbre récit mythologique "L'EDDA" dit l'Edda en prose .
Heimskringla
L'histoire des rois de Norvègeprésentée et annotée dans sa traduction par François-Xavier Dillmann
(Gallimard, collection à l’Aube des peuples)-Introduction
-Note sur la traduction
Histoire des rois de Norvège
- Prologue *
- Histoire des Ynglingar
- Histoire de Halfdan le noir
- Histoire de Harald à la Belle Chevelure
- Histoire de Harald à la pelisse grise
(ici se situe l'histoire d'Hakon le puissant , fils de Sigurd et Duc de Lade )- Histoire du roi Olaf fils Tryggvi
Notes de la p. 355 à 512
- Appendices
- Bibliographie
- Tableaux
- Cartes
- Figures
- Index des noms
- Table des tableaux , cartes et figures.
- Repères chronologiques qui commencent en 819 soit à la naissance de Halfsdan le Noir jusque vers l'an 1000, début du gouvernement d'Eric Fils Hakon et de son frères Sven.
Quelques extraits :
Prologue
Au début du prologue, Snonrri Sturluson explique la démarche qu'il a suivie pour construire son oeuvre :
"Dans ce livre , j'ai fait écrire de vieux récits, tels que je les ai entendus racontés par les érudits, au sujet des souverains de langue danoise(1) qui régnèrent sur les pays du Nord, ainsi qu'au sujet de quelques unes de leurs lignées, d'après ce qui m'en a été enseigné. Pour partie cette matière est contenue au sein des listes généalogiques dans lesquelles les rois et les autres grands ont retracé leur ascendance paternelle, pour partie elle a été transcrite d'après les vieux chants et les poèmes épiques, dont la récitation constituait une manière de divertissement. Et bien que nous ignorions dans quelle mesure ces oeuvres sont dignes de foi, nous savons qu'à l'époque ancienne les érudits les considéraient comme telles.[...]
Âge de la crémation et âges des tertres :
Les temps les plus anciens portent le nom d' Âge de la crémation, car la coutume était alors d'incinérer tous les morts et d'élever des pierres à leur mémoire. Après que Freyr eut été enterré à Upsal, nombreux furent les chefs qui érigèrent ausi bien des tertres, que des pierres en souvenir de leurs proches. Comme le roi des danois Dan le superbe s'était fait élever un tertre et avait demandé qu'après sa mort on l'y transportât avec sa parure royale, son équipement guerrier, son cheval, muni de tout son harnachement, et beaucoup d'autres objets précieux, nombreux furent ses parents qui l'imitèrent, en sorte qu'au Danemark commença alors l'âge des tertres. Mais chez les Suédois et les Norvégiens l'âge de la crémation se poursuivit longtemps encore.
Début de la lignée norvégienne avec Harald à la Belle Chevelure, rôle des scaldes et valeur historique des strophes scaldiques :
L'Islande fut colonisée à l'époque où Harald à la Belle Chevelure régnait sur la Novège. Auprès du roi Harald étaient des scaldes, dont on connait encore les oeuvres, de même que les poèmes composés en l'honneur de tous les rois qui gouvernèrent ensuite la Norvège. Nous accordons le plus de crédit aux poèmes qui furent déclamés en présence des souverains eux-mêmes ou de leurs fils; nous tenons pour vrai tout ce que ces poèmes relatent au sujet de leurs expéditions ou de leurs combats. Les scaldes ont certes accoutumé de couvrir des plus grandes louanges le personnage devant lequel ils se trouvent, mais aucun d'entre eux n'oserait lui attribuer, en sa présence, des faits dans lesquels toute l'assemblée verrait mensonge et affabulation ; car cela reviendrait à railler et non à glorifier . [...]"
1)l'expression "langue danoise" doit être comprise comme la langue du vieux norrois (note de F.X. Dillmann)
Histoire des Inglingar
Inglingar désigne une des premières dynasties royales scandinaves qui se scinde en deux branches, la première Suéduoise puis une seconde norvégienne quand Harald à la Belle Chevelure quand il devient roi de Norvège.
Selon Snorri Sturluson ils avaient pour ancêtre commun Ingvy-Frey qui ne serait autre que le dieu Vane Frey de la mythologie scandinave, interprétant ainsi l’origine divine de la tradition dans une vision évhémériste.
Voir sur wikipedia la généalogie reconstituée
Avant d’aborder la longue liste des jarls, , godhi , roitelets ducs ou rois enfin qui se sont succédés dans cet univers où se mélangent le légendaire et l’historique , Snorri Sturluson nous offre une description des territoires où ils évoluaient , la géographie d’un auteur du XIIIème siècle , situant le pays des Vanes au cœur de l’Europe , à l’ouest du Don.
Chapitre 1er :Géographie
L’orbe du monde, qui est habité par les hommes , est tout échancré de baies ; de vastes mers venant de l’Océan pénètrent à l’intérieur des terres. On sait qu’une mer s’étend du détroit de Norvi (1) jusqu’au pays de Jérusalem (2). Venant de cette mer, un long golfe marin, dont le nom est Mer Noire, s’avance en direction du nord-est en séparant les continents : celui qui est situé à l’est porte le nom d’Asie, mais celui qui se trouve à l’ouest est appelé Europe par les uns et Enéa (3) par les autres.
Au nord de la mer Noire s’étend la Grande ou Froide-suède ; Certains estiment que la Grande Suède n’est pas moins vaste que le Grand-Serkland (5), d’autres la comparent au Grand Blaland.(6) La partie septentrionale de la Suède est inhabitée en raison du gel et du froid, de même que la partie méridionale du Blaland est déserte en raison de la chaleur torride du soleil. La Suède comprend nombre de grandes provinces ainsi que toute sorte de peuples et maintes langues ; il y a des géants et des nains, des nègres et toutes sortes de peuplades étranges, des animaux et des dragons d’une taille effrayante.
Prenant sa source au nord des montagnes qui s’élèvent loin de toute région habitée, un fleuve coule à travers la Suède : son vrai nom est Tanaïs(7) mais autrefois on l’appelait Tanakvisl ou Vanakvisl ; il se jette dans la mer Noire. Le pays situé dans les bras du Vanakvisl était alors appelé Vanaheim(8) . Ce fleuve sépare les continents : celui qui est situé à l’Est se nomme Asie. Celui qui se trouve à l’Ouest, l’Europe.
Précisions apportées par les notes de F.X. Dillmann. (Ces notes méritent une lecture attentive et savante et je ne suis pas certaine d’une juste interprétation de ma part . Les citer ne peut être qu’une incitation à se rapprocher du texte).
- 1) Détroit de Gibraltar
- 2) Palestine
- 3) Région de la méditerranée
- 4) Scythia magna : Pays des Scythes, mais Svethia pour désigner la Suède
- 5) Désignerait l’ Afrique du nord (partie de l’Afrique)
- 6) L’Afrique en général
- 7) Le Don
- 8) Pays des Vanes
Chapitre 2 : Des habitants de l’Asie
Origine d’Odin
Le pays situé à l’Est du Tanakvisl était appelé Asaland ou Asaheim, tandis que la capitale de ce pays portait le nom d’Asgard (1). Dans cette ville résidait un chef qui s’appelait Odin.(2) Il y avait là un grand sanctuaire qui, selon leurs coutumes, était desservi par les douze chefs(3) les plus éminents ; Ils présidaient aux sacrifices et rendaient la justice ; Ils étaient appelés Dïar(4) ou Drottnar (5), et tout le peuple devait les servir et leur témoigner du respect.
Odin était un grand guerrier ; il entreprenait de nombreuses expéditions et s(appropriait maint royaume. Il était à tel point favorisé par la victoire qu’il prenait l’avantage dans chaque bataille ; il en résulta que ses hommes se persuadèrent qu’il lui revenait de sortir victorieux de toutes les rencontres. […]Quand ses hommes se trouvaient en danger, en quelque lieu que ce fût, sur mer ou sur terre, ils invoquaient son nom, et ils estimaient être toujours secourus […]
- 1) Enceinte, pays , résidence des Ases
- 2) Nom du chef des dieux scandinaves, selon la plupart des sources norroise et d’abord l’Edda de Snorri
- 3) Les principaux dieux de la mythologies scandinave ,importance du nombre douze, dans l’ancien Nord
- 4) Dîar =nominatif pluriel d’un terme d’origine celtique qui signifie dieux au sens de divinité préchrétienne.utilisé par Snorri pour prendre ses distances par rapport au dieux de la mythologies (Ases ou Vanes ) et aussi du dieu chrétien.
- 5) Drottnar = nominatif pluriel signifiant seigneurs
Troisième chapitre : Odin et ses frères
Court chapitre sur Odin, Vé et Vili, et sur la déesse Frigg.
Quatrième chapitre : Guerre avec les Vanes
C’est ici que se situe le célèbre épisode du conflit entre les deux peuples divinisés dans les récits mythiques et notamment dans l’Edda, avec la fin du conflit par l’ échange d’ «’otages » , personnages/dieux et déesses éminents , Njord le riche, son fils Frey, ainsi que sa sœur Freyia, et Kvasir (Vanes) , Hoenir et Mimir(Ases).
Odin marcha avec une armée contre les Vanes, mais ils firent bonne contenance et défendirent leur pays, et les uns et les autres remportèrent la victoire à tour de rôle. Chacun pilla le pays de l’autre et y fit des ravages. Mais quand ils s’en furent fatigués de part et d’autre, ils fixèrent entre eux une réunion de conciliation, firent la paix et se remirent des otages. Les Vanes remirent le meilleur de leurs hommes, Njördj le Riche et son fils Freyr, et les Ases , en échange, celui qui s’appelait Hoenir, déclarant qu’il avait tout ce qu’il fallait pour faire un chef. C’était un homme de grande taille et très beau. Avec lui les Ases envoyèrent celui qui s’appelait Mimir, le plus sage des hommes, et les Vanes remirent en échange celui qui était le plus avisé de leur troupe. Il s’appelait Kvasir. Quand Hoenir arriva dans le Vanaheimr, il fut aussitôt fait chef. Mimir le conseillait en toutes choses. Mais quand Hoenir se trouvait dans les assemblées ou les réunions et que Mimir n’était pas à proximité, et qu’on lui soumettait quelque affaire difficile, il répondait toujours la même chose : « Que d’autres décident », disait-il. Alors les Vanes soupçonnèrent que les Ases avaient dû les tromper dans l’échange. Ils prirent Mimir , le décapitèrent et envoyèrent sa tête aux Ases. Odinn prit la tête, l’oignit d’herbes qui ne pouvaient pourrir, l’enchanta et l’ensorcela de telle façon qu’elle se mit à lui parler et à lui dire beaucoup de choses secrètes. Odinn institua Njördr et Freyr prêtres sacrificateurs et ils furent Diar avec les Ases. Il y avait une fille de Njördr, Freyja. Elle fut prêtresse sacrificatrice. Elle enseigna la première aux Ases le Seidr, comme les Vanes en avaient la coutume. Quand Njördr était chez les Vanes il avait épousé sa sœur, car telles étaient les lois dans ce pays –là. Leurs enfants étaient Freyr et Freyja . Mais il était interdit aux Ases de se marier entre parents si proches.
(Texte identique à celui de l’ EDDA)
Cinquième chapitre : Gefion
L’essentiel du propos correspond à la Gyfaginning ou mystification de Gylfy de l’Edda tirée de La Voluspa. Odin parti de Turquie , combattant notamment les armées romaines s’établit au Danemark dans le cadre de ses campagnes vers le nord de l’Europe afin de réaliser la prophétie de la voyante qui destine son peuple aux régions septentrionales. Ayant appris que des terres fertiles existaient en Suède il demande à Gefion , une Ase, de se rendre auprès du roi Gylfi et de gagner une partie de son territoire qui agrandira son royaume . .La ruse et la magie permettent à Gefion d’accomplir sa mission : Avec les quatre fils qu’elle a enfantés avec un géant, puis transformés en bœufs, elle arrache le territoire qui forme l’ile de Seelande désormais remplacé en Suède par le lac Mälar.
Gefion toute joyeuse
A Gylfi arracha le joyau des domaines ancestraux
L'accroissement du Danemark,
Si bien que fumèrent les bêtes de trait.
Huit astres du front, ils présentaient,
Les bœufs, et quatre têtes,
Quand ils marchèrent devant le vaste butin
De l'île aux prairiesExtrait de la Völupsa
[...]Odin s’installe près du lac Mälar et donne à cette région le nom de Sigtuna. Il attribua des demeures aux prêtres qui desservaient les temples : Niord à Noatun, Freyr à Upsal, Heimfall à Himingbjord Thor à Thrundvang, Baldr à Breidablik ; à tous il procura de riches domaines.
Quelques chapitres suivants sont encore consacrés à Odin et à ses descendants "divins" directs, qui établissent les principaux fondements de la société scandinave.
Sixième chapitre : les talents d’Odin :
arts, Eloquence , poésie, capacité de changer d’apparence , science de l’envoûtement . Accompagné sur le champ de bataille par ses « guerriers fauves » Bersekr, pluriel Bersekir
" [... ] A la bataille, Odin avait le pouvoir de rendre ses ennemis aveugles ou sourds ou pris de frayeur, tandis que leurs armes ne coupaient plus que des bâtons. Ses hommes à lui, en revanche, allaient sans broigne, et ils étaient furieux comme des chiens ou des loups; ils mordaient leurs boucliers et ils étaient forts comme des ours ou des taureaux; ils tuaient autrui, mais ni le feu ni le fer ne leur faisait de mal. On appelait cela "la fureur des guerriers fauves".
Septième chapitre : La magie d’Odin,
le Seid, ,métamorphoses , et dialogue avec les morts
Huitième chapitre : la législation d’ Odin
Les lois des Ases , les sacrifices , la Valhalle, l’impôt
Suède = Manheim littéralement pays des hommes
Grand Suède = Godheim , pays des dieux
Neuvième chapitre : la mort d’ Odin
Incinération , crémation vénération
Succession par Niord
Puis mort de Niord
Dixième chapitre succession assurée par Freyr
Nommé Seigneur du pays,Il élève un temple à Upsal ,
Prospérité du pays , "La paix de Frodi". Dans une note F.X. Dillmann précise: "Snorri précise que Frodi régna à l' époque où "l'Empereur Auguste instaura la paix à travers le monde entier."et que la Pax Augusta fut appelée en langue danoise La paix de Frodi , car Frodi était alors le roi le plus puissant de tous les pays du Nord
Gerd est son épouse . leur fils est Fiolnir
Mort de Freyr . il est inhumé sous un tertre.
Freyia à son tour ,assurait les sacrifices.
Onzième chapitre : mort de Fiolnir
Amitié de Fiolnir et de Frodi la Paix , roi de Lehre (Danemark)
Mort accidentelle de Fiolnir chez son ami .
Du douzième au quarante-neuvième chapitre de la reconstruction pseudo-historique de Snorri , les royautés .se succèdent dans une alternance de périodes de prospérité , de famines ou de disettes, la lignée suédoise cédant parfois la place à de rares dominations étrangères (danoises ) sur cette partie de la Scandinavie , où les conflits sont presque permanents (guerres avec invasions , « infestations » réciproques entre Finnois, Danois, Norvégiens , Estoniens, russes . Chaque chapitre consacré à un roi est l’occasion d’illustrer dans des aventures souvent extraordinaires ou tragiques les coutumes des anciens suédois et plus généralement scandinaves (mode de succession ,famines, expéditions , esclavage sacrifices humains, sorcellerie, ) et le talent de Snorri souligné par F., X. Dillmann , comme avant lui , G. Dumézil ou R. Boyer est de réussir à nous tenir en haleine tout au long de cette longue généalogie qui se poursuivra par la lignée norvégienne à partir de l’histoire de Harald à la Belle Chevelure , vers 860 jusque vers l’an 1000.