"Malgré les nuages d'encres projetés par la tradition judéo-chrétienne pour la masquer,aucune situation ne parait plus tragique, plus offensante pour le coeur et l'esprit, que celle d'une humanité qui coexiste avec d'autres espèces sur une terre dont elles partagent la jouissance, et avec lesquelles elle ne peut communiquer. On comprend que les mythes refusent de tenir cette tare de la création pour originelle, qu'ils voient dans son apparition l'évènement inaugural de la condition humaine et de l'infirmité de celle-ci."
(Claude Lévi- Strauss - De près et de loin _ citation de J. Brosse : Mythologie des arbres )
Carl Gustave Carus Haute montagne 1824
Les grands espaces, Mer, montagne, désert
Ces grands espaces qui nous fascinent ont-ils pu nous inspirer le sentiment du sacré ?
Il y a, je crois, dans cette fascination, le fait que ces espaces ne peuvent appartenir à personne. Il faudrait être un Dieu pour les dominer ou les soumettre . Pour nous le rappeler : un bateau qui sombre , une piste aussitôt effacée par le sable, une arête si lisse qu'elle arrête le meilleur alpiniste , un surplomb qui nargue le grimpeur ... Téméraire, l'homme s'y mesure . Concentrant toutes ses forces, il se dépasse pour défier l'espace, mais la conquête est inutile L'effort reste vain , gratuit .Mer, désert , montagne , ne se souviendront pas de son passage et garderont leur virginité .
Notre sens du sacré trouve probablement son origine dans cette dimension sur-humaine de la nature , dans sa contemplation ou dans sa confrontation. Est-ce pour cette raison que les flèches de nos cathédrales ressemblent à des montagnes , que les rites religieux s'effectuent en silence et que la solitude favorise le dialogue avec les dieux ?