jeudi, 21 août 2014 00:00

Le silence de Sibélius

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On s’est  beaucoup  interrogé  sur  le silence  de   Sibélius et cette interruption  brutale  de   la composition  musicale, 30 ans  avant  sa  mort ....

« O esprit aimable, toi qui habites ces lieux, je te rends grâces d’environner toujours mon silence de ta paix ;

je te rends grâces pour ces heures que j’ai passées ici, occupé de mes souvenirs ; je te rends grâces pour cette cachette que je nomme mienne ! Alors que grandit le calme comme grandissent l’ombre et le silence : formule magique d’exorcisme ! Quoi de plus enivrant que le calme ; car, si rapidement que le buveur porte la coupe à ses lèvres, son ivresse ne croît pas aussi rapidement que celle du calme qui croît à chaque seconde ».
Søren Kierkegaard, Étapes sur le chemin de la vie

On s’est  beaucoup  interrogé  sur  le silence  de   Sibélius et cette interruption  brutale  de   la composition  musicale    , 30 ans  avant  sa  mort .

Il était  alors en  1926  parvenu au  faîte  de   sa gloire, reconnu  mondialement   après le  succès de  son  poème  symphonique  de   Tapiola . Renonçant  ou  dans l’incapacité  de  terminer   sa  8ème symphonie  que le  monde  musical  lui  réclamait ,  il  a  détruit par  le  feu  dans  un  geste  dramatique  sa dernière partition  et   s’est  muré dans  le  silence.

Plusieurs causes  ont  été  avancées,  toutes avec  prudence,  et  aucune   n’a  totalement  convaincu jusqu’à  présent :

-          Santé  dégradée   par  les  privations  et  les excès  d’alcool  et   de  tabac.

-          Dépression  liée aux  évènements  mondiaux   :1ère et seconde guerres  mondiales,  bouleversements  liés   la  révolution  russe  de   1917  qui  a donné son indépendance à  la  Finlande, puis  montée  du  nazisme . Eminemment  nationaliste  , amoureux de  sa  culture comme   en témoigne  l’inspiration  de ses  œuvres  ,  il  devait   se sentir   particulièrement   impliqué  dans   les  conflits qui  ont  affecté et  tiraillé  la Finlande dans des directions contraires.   

-          Repli  devant les  nouveaux  courants   artistiques  auxquels  il  n’adhérait pas   (Shöneberg ,Stravinsky, Les  Six  ..) et  qui  remettaient  en  cause  ses  convictions   de  symphonistes  , (sans  oublier   qu’il  avait  déjà  été  éconduit par   Brahms).

-          Crainte  de  ne pouvoir   dépasser  ses  anciens succès.

-          Fascination   et  refuge  dans la contemplation  de  la nature.

Cette  dernière hypothèse  a  été  émise   par   Francis  Brayer mais   il  est probable  qu’il faut  considérer l’‘ensemble de ces  causes , frappant  l’  hypersensibilité  du compositeur pour     expliquer   le   mutisme    de  Sibélius  qui   après  1926 n’a  plus  écrit  jusqu’à  sa mort  une  seule   note  nouvelle   .  Sans  abandonner le  monde  musical,  il  se  consacra dès  lors   à  la publication et à  la diffusion  de  ses œuvres ,   à  des  récritures  et  à ses voyages  à  travers le monde. 

 Un excellent article sur le sujet , analyse d'un essai de Francis Brayer par Sophie Stevance : Le pluralisme interprétatif du silence compositionnel de Jean Sibelius : l’exemple de Francis Bayer (Samedis d’Entretemps, Ircam, 23 octobre 2004)

Lu 5434 fois Dernière modification le dimanche, 17 mars 2019 19:51
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2 Commentaires

  • Lien vers le commentaire sophie vendredi, 22 août 2014 13:23 Posté par sophie

    Ou de celle d'Alfred de Vigny ? ou mieux encore :de Rimbaud ? Sibélius a renoncé à la musique, Vigny aux hommes et à Dieu, et Mallarmé à Dieu aussi je crois ? Mais à la différence des deux poètes Sibélius et Rimbaud n'ont pas changé d'avis.

  • Lien vers le commentaire Milie vendredi, 22 août 2014 10:53 Posté par Milie

    Peut-on rapprocher le silence de Sibélius de la période d'aphasie que rencontra Mallarmé?

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