Une belle page Parmi tant d'autres :
Chapitre XIII
Le recoin des souvenirs du monde
A la fin de l’été on range les méduses, les caleçons de bain, les seaux blancs pour ramasser les coquillages, les filets de pêche que les enfants poussaient tout au bord de l’estran dans les mares, à la limite de la mer, les savates en corde et les chapeaux de paille. On replie les chaises longues. On enroule le parasol aux teintes pâlies. On met tout cela au fond du garage.
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Et nous aussi, quand on s’approche de la mort, on se cache dans le recoin de son salon, dans l’ombre, auprès des petites lampes inclinées qui ne blessent pas les yeux, dans la pudeur de la peau s’un corps que l’âge a enlaidie ou du moins a étirée et a plissée, dans l’évitement du lendemain qui commence de manquer aux heures, dans l’appréhension des maux qui d’une part se multiplient, d’autre part se précisent, se pressentent, finalement se guettent. On se cache dans l’angle des rideaux, près de la fenêtre, dans la compagnie des livres, c’est-à-dire on se cache dans les souvenirs du monde. On se dérobe à sa peur dans les souvenirs les plus vivants qui sont laissés du monde. On se retire dans les moments les plus touchants qui ont vécus au plus tendre et au plus ravageur de l’enfance. On se plait à les mouvoir au fond de nous, à les revivre.
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Il est bon dans les heures du jour, dans les créations de l’art, de se donner des instants d’appui sur des souvenirs aimés.
C’est d’ailleurs la manière des rêves à l’instant où on ferme les paupières dans la nuit.
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