...Quand il vint me trouver pour la première fois, j’étais encore enfant. Comment était-il entré dans la vieille bibliothèque de province nivernaise ? Mon grand-père avait acheté l’ouvrage en livraisons, aux temps du romantisme, alors qu’il était étudiant à Paris. La traduction était bien terne ; mais elle avait beau étouffer la voix, c’était comme une bande d’oies sauvages, dont les cris passaient, au-dessus des cheminées et des tuiles hâlées, dans le ciel lointain. Un frisson de vie libre et dangereuse ébranlait, un moment, la quiétude de la maison bourgeoise. Il y avait aussi un volume de gravures qui formaient une galerie des Femmes de Shakespeare. Certaines de ces figures, la musique de leurs beaux noms, pénétraient d’un trouble mystérieux et tendre mon coeur d’enfant. Jamais je n’ai oublié ces syllabes magiques : Viola, Perdita, Miranda, Imogène .