vendredi, 28 décembre 2012 17:23

Camus : Les justes

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Les Justes
(1949-1950)

Un texte qui nous invite à nous interroger sur les limites de l'engagement politique, sur l'absolu de l'idéal, et par opposition sur la dimension humaine de nos actes et de nos jugements.

Les personnages, membres d'une organisation révolutionnaire et réunis par Camus dans ce célèbre huis clos, campent les attitudes possibles dans une situation extrême (la préparation et la réalisation d'un attentat contre un dirigeant politique).

Tous ces « Juste » tendus vers un objectif commun, solidaires et pourtant si différents

L'amour de la justice , ici sociale, est-il le seul espoir de ceux qui ne croient plus à Dieu ?

Mais qu'en est-il de cet amour d'absolu pour l'humanité qui ne rapproche pas les hommes ?

Dora—« ..L'été Yanek tu te souviens ? mais non c'est l'éternel hiver . Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des justes. Il y a une chaleur qui n'est pas pour nous . Ah pitié pour les justes ! »

Dans « Réflexions sur le terrorisme » Camus a nettement condamné celui-ci :

« Quelle que soit la cause que l'on défend elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente »

Et déjà dans « les justes » c'est cette position inébranlable ; la fin ne justifie pas les moyens puisque de tous les protagonistes , seul Stepan aveuglé par sa propre haine née d'un vécu douloureux ,ne reculerait pas devant le sacrifice des enfants ,objets du dilemme , tandis que tous les autres refusent catégoriquement cette violence aveugle qui souillerait la cause qu'ils servent .

Bien d'autres thèmes sont abordés dans ce texte, celui de la responsabilité devant l'échec , L'homme doit-il savoir prendre ses mesures et renoncer avec lucidité à l'engagement pour des causes ou des actes qui le dépasse ? Quelles limites au dépassement de soi ?

Voinov – « Oui j'ai honte. J'ai visé trop haut. Il faut que je travaille à ma place . Une toute petite place. La seule dont je sois digne . »

Le thème aussi de l'amour absolu , de l'abnégation, du renoncement à l'amour tendresse , du sacrifice d'un bonheur simple , humain au profit de l'Idéal qui sublime mais broie ses esclaves .

Quel est le meilleur choix ?

Dora—« Il y a trop de sang , trop de dure violence . Ceux qui aiment vraiment la justice n'ont pas droit à l'amour. Ils sont dressés comme je le suis, la tête levée , les yeux fixes . Que viendrait faire l'amour dans ces cœurs fiers ? L'amour courbe doucement les têtes Yanek. Nous nous avons la nuque raide."

Si Camus ne propose pas ici des réponses à toutes les questions, comme pour le terrorisme nous connaissons par d'autres de ses écrits son rejet de l'idéologie lorsqu'elle conduit à l'étouffement de l'individu, attitude lucide d'un homme généreux si souvent engagé par ailleurs pour défendre des causes qui ont fait progresser l'humanité .

Dora--« Oui tu es mon frère, et vous êtes tous me frères que j'aime . Mais quel affreux goût a parfois la fraternité ! »

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